Karim Debbache et sa bande de joyeux conquérants
- Freakoffice
- 18 janv. 2017
- 4 min de lecture

A une période où la mode est à la critique, où depuis quelques années tout le monde s'y met ; alors que l'on voit naître tous les jours de nouveaux blog où s'activent des fouineurs de l'internet pour débusquer la moindre petite oeuvre à acclamer ou à complètement bousiller, Karim Debbache est là, calmement posé.
Accompagné de ses deux complices Jérémy Morvan et Gilles Stella, Debbache a commencé son oeuvre maléfique sur le site JeuxVidéos.com, avec la brillante et grinçante émission Crossed. Le concept de l'émission était simplement cool : monter une émission parlant à la fois de cinéma et de jeux vidéos. Touché, dans le mille. Car en effet, les enfants des années 90 ont baigné dans les jeux vidéos, d'une manière ou d'une autre. Ca fait partie de notre bain de culture. Et mettre ça en rapport avec le cinéma, c'est une idée agréable, assez fraîche pour le coup, et on se dit que si c'est bien fait, ben ça peut être vraiment cool.
Et c'est très bien fait. A partir de 2013 et ce pendant 1 an et demi, les trois vidéastes nous balancent deux fois par mois (a peu près...) de réelles pépites. A chaque fois rythmées de la même manière : une carte d'identité du film, son résumé, et puis sa critique. Des pépites de deux catégories différentes à mon sens. Il y a les films qui sont ni plus ni moins des adaptations de jeux vidéos, comme Silent Hill, Max Payne, Resident Evil, Hitman, etc... Et puis il y a des films qui ont un rapport avec le jeu vidéo. Ce rapport on le voit pas forcément au premier coup d'oeil, et ça nous force à mieux les plisser et à mieux tendre l'oreille pour essayer de deviner où le rapport sera fait. Car il est fait à chaque fois, et ça sonne toujours juste.
Vous l'aurez compris, niveau fond, je suis conquis. Mais niveau forme... je le suis autant ! Tout est accordé : le rythme, le jeu des protagonistes, la justesse des vannes, le montage. La mise en scène est droite, propre, et travaillée. On est pas là à regarder une vidéo d'un gars face à sa camera qui nous parle de ce qu'il a ressenti en voyant un film. On est dans le salon de trois mecs qui tournent une vidéo. On se retrouve parfois à côté de Jeremy Morvan et Gilles Stella pendant qu'ils prennent le son, on se retrouve entre des discussions concernant la mise en scène de l'épisode lui-même. Bref, Crossed, c'est une réussite totale.

Debbache et ses potes nagent dans la gloire, le succès, la coke, tout ça. C'est donc à ce moment qu'ils arrêtent Crossed. Episode final, tout le
monde pleure, tout le monde se demande ce qu'il a fait à Dieu pour mériter ça, beaucoup se suicident, peu s'en remettent. Et puis à la rentrée 2015, ils annoncent leur retour avec une nouvelle émission : Chroma. En effet, Chroma est une chronique de cinéma, et pour la réaliser, le trio demande le soutien de la plateforme française Dailymotion, ainsi que le notre, peuple français et du reste du monde, fan de cinéma et amoureux de Jeremy Morvan. Ils lancent une campagne Ulule (une campagne de financement participatif) pour demander 20 000 euros. Vous allez me dire : c'est une certaine somme. Oui mais il vaut mieux viser loin, pour motiver les gens à donner. Et ça a plutôt bien marché vu que cette somme a été atteinte. En 55 minutes. Un mois plus tard, la campagne se clos. Résultat final : le projet est financé à plus de 1000%, donc un total de plus de 200 000 euros. Et c'est là que commence les plus beaux jours de nos vies.
Crossed c'était déjà vraiment bien. Il y un certain grain, un réel talent de mise en scène comme un réel talent d'analyse et de sens critique. Mais enlevez à ça la contrainte de ne faire que des films ayant un rapport avec le monde du jeu vidéo, et ajoutez à ça 200 000 euros de moyens supplémentaires. Bienvenue dans Chroma.
C'est juste mon émission préférée. Et je ne parle pas d'internet, je veux dire que c'est l'émission que j'attends le plus, et qui me procure le plus de plaisir pendant que je la regarde. Il y a tout les points positifs de Crossed, avec en plus une trame scénaristique en fond et une qualité incroyable au niveau de la mise en scène et de la production. On est pas juste (et c'est déjà beaucoup) face à une bonne émission culturelle, on est dans une aventure qui nous amène de film en film.
Pour chaque film on a un grand thème. Un thème qui peut être lié au film lui-même, au cinéma, ou à l'industrie qui l'entoure. Et pour chaque épisode vient se poser une conclusion qui nous fait nous poser des questions. Et c'est en ça que Chroma est à mon sens la meilleure émission. On assiste pas seulement a un exposé d'un mec qui veut nous montrer qu'il connait le jargon du cinéma. On nous parle de cinéma, de contexte historique, mais on nous incite à y réfléchir. En bref, je suis de nouveau (voire certainement plus) conquis par le fond. Et la forme... Je crois que j'ai rarement autant ris que devant Chroma. Les vidéastes deviennent de réels acteurs, mais aussi des scénaristes. On pourrait -presque- regarder Chroma sans le regarder pour son intervention sur le cinéma, mais comme un sketch ou une série. L'intrigue est vraiment là, on s'y attache. On a envie de voir les personnages évoluer au fil des épisodes, on a envie de les voir interagir les uns avec les autres. On a tous nos personnages préférés, comme le policier de Gilles Stella, ou Kamel Debbiche. On a donc une double excitation : de quel film va-t-il nous parler, et que va-t-il se passer ?
La meilleure conclusion après cet article, c'est juste d'aller voir le boulot de Karim Debbache. Allez-y, même si vous êtes pas un fan de cinéma. Allez-y, même si vous êtes pas un fan d'émissions. Allez-y, même si vous êtes pas fan des arabes. Vraiment, allez-y. Ca vous fera du bien, et on en a besoin en ce moment.
Freak.

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